Ce premier volet débute avec le manifeste fondateur de l'ouvrier typographe Pierre-Joseph Proudhon, qui jette les bases d'une solution anarchiste face à la terrible misère faisant rage dans les grands bassins industriels. Ainsi, en 1864, lors du Congrès de la Première Internationale des travailleurs à Londres, les anarchistes sont largement majoritaires. Cet épisode rappelle aussi que la «propagande par le fait» choisit par certains anarchistes inaugure un terrorisme international.
Après que l’anarchisme se soit débarrassé de ses anciens démons au début du XXe siècle, tout semblait se dérouler dans le meilleur monde libertaire possible. Grâce aux grandes vagues migratoires que le mouvement a provoquées dans les régions les plus reculées du monde, il a pu mobiliser une grande partie des paysans à sa cause. Mais pour que cet idéal prévale avant l’éclatement d’un conflit mondial, les libertaires ne pouvaient plus se permettre de se limiter à des vœux pieux concernant des pratiques généreuses. Ils doivent prendre les armes et repartir à l’offensive. Ainsi, à une époque pleine de bruit et de fanfaronnades, Nestor Makhno et les frères Flores Magón, des deux rives du Mexique jusqu'aux vastes steppes d'Ukraine, se sont tenus à l'avant-garde des premières grandes révolutions du XXe siècle, comme ils ont tenté une fois et pour que tous changent le monde.
Alors que la Première Guerre mondiale a tué près d’un tiers des travailleurs européens dans certains pays, les masses militantes ont été réduites au silence. Mais ce sont surtout les mesures répressives prises par les grandes démocraties, des déportations aux exécutions, qui ont porté un coup au mouvement anarchiste. Dans la période turbulente de l'entre-deux-guerres, au cours de laquelle le capitalisme a donné naissance à ses deux bêtes maléfiques, le stalinisme et le fascisme, c'est l'anarchisme qui, plus que jamais, a offert la seule résistance du peuple à l'hydre totalitaire qui persécutait le pillage et industrialisait la mort. de plus en plus généralisée. De Boston à Barcelone, de Tokyo à Paris, l’anarchisme va se battre sur tous les fronts. C’est finalement en Espagne, au cours d’une guerre aux allures de révolution, que le mouvement est finalement devenu utopique.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’anarchisme connaît un déclin massif. Certaines grandes personnalités comme Bertrand Russel ou Albert Camus continuent néanmoins de défendre et de promouvoir son idéal. Et peu à peu, au cœur de la guerre froide, ils furent rejoints par de nombreux socialistes ou communistes dont les yeux s'ouvrirent sur la réalité du socialisme soviétique après le Printemps de Prague. Comme Murray Bookchin, de plus en plus de révolutionnaires se tournèrent vers l’anarchisme à la fin des années 1950 et contribuèrent à le faire revivre. Grâce à eux, des organisations formelles ou informelles – comme les San Francisco Diggers – ont vu le jour ; de nouveaux symboles, comme le A cerclé inventé en 1964 par le groupe des Jeunes Libertaires à Paris ; de nouveaux mouvements de masse qui défiaient le stalinisme et le capitalisme et tentaient de changer le monde.
Comme à l’époque de la propagande par le fait, l’anarchisme du début des années 1970 a été repris par ses vieux démons. Pendant un certain temps, elle a été tentée de revenir à la violence armée et s'est inspirée de la stratégie des Tupamaros en Uruguay visant à étendre une nouvelle forme de lutte armée à toutes les grandes métropoles occidentales : la guérilla urbaine. Des groupes surgirent partout et passèrent à l'action : l'Angry Brigade au Royaume-Uni, la Bewegung 2. Juni en Allemagne de l'Ouest, Action Directe en France, le Weather Underground aux États-Unis, autant de noms qui ébranlèrent à nouveau le monde. Et chez eux, le nom d’anarchisme est à nouveau synonyme de désordre et de chaos.