Ainsi commence le premier chapitre du Chaos, reprenant l’une des idées principales de la philosophie d’Héraclite d’Éphèse qui vécut à la fin du VIe siècle av. J.-C. L’être est éternellement en devenir, les choses n’ont pas de consistance et tout se meut sans cesse : tout devient tout, tout est tout. Les premières minutes de ce film illustrent cette idée avec quelques exemples dans la vie de tous les jours, ainsi que quelques exemples pris dans le monde mathématique.
À la fin du XVIIe siècle, Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) et Isaac Newton (1643-1727) mettent indépendamment au point un outil mathématique prodigieux : le calcul infinitésimal ou calcul différentiel et intégral. Il s’agit en quelque sorte d’une boule de cristal incroyablement efficace pour prédire l’avenir, dès lors que le mouvement d’un système est régi par une équation différentielle. Ce deuxième chapitre de Chaos est d’une certaine façon une initiation à ce calcul intégro-différentiel dans le monde des legos.
Pendant longtemps, la physique fut dominée par la pensée d’Aristote. Comme le rappelle le film, « chaque objet a son lieu qui lui est propre et si on l’en détourne, il fait ce qu’il peut pour y retourner. Tout ce qui nous entoure cherche son équilibre naturel. Une pomme tend à aller vers le bas puisque c’est sa nature. La Lune tourne autour de la Terre parce que c’est sa nature. »
Comment décrire un pendule qui balance ? La position d’un pendule est décrite par un nombre, l’angle que fait ce dernier avec la verticale. Quant à la vitesse du pendule, elle est également décrite par un nombre dont le signe nous indique le sens du balancement. Sans les frottements de l’air, le pendule balancerait indéfiniment, remarque dont Galilée (1564-1642) prend conscience dès son plus jeune âge. Mais à cause de ces fameux frottements, pas de surprise, après un certain temps, un pendule finit par s’immobiliser...
Pour aborder une question aussi complexe que celle du mouvement des corps célestes, il n’est pas déraisonnable de commencer par étudier des situations plus simplistes. Si le mouvement d’une bille roulant sans frottement dans une cuvette ne semble pas trop difficile à comprendre, il en va tout autrement pour une cuvette un peu cabossée... Oui le mouvement devient soudainement très compliqué.
Ce sixième chapitre de Chaos commence par expliquer une vieille idée d’Henri Poincaré (1854-1912). Lorsque l’on étudie un champ de vecteurs dans l’espace, il peut arriver que l’on puisse trouver un petit disque tel que régulièrement les trajectoires rencontrent ce disque. Plutôt que d’étudier l’ensemble d’une trajectoire dans l’espace, on se contente alors d’étudier la suite de points contenue dans le petit disque. Souvent, l’étude est beaucoup plus simple : on est passé d’une dynamique en temps continu à une dynamique en temps discret.
En 1963, Edward Lorenz (1917-2008), qui s’intéressait au problème de la convection dans l’atmosphère terrestre, simplifia drastiquement les équations de Navier-Stokes de la mécanique des fluides, réputées pour leur inextricable complexité. Le modèle atmosphérique de Lorenz est ce que les physiciens appellent un modèle-jouet : bien qu’il n’ait probablement pas grand-chose à voir avec la réalité, Lorenz ne tarda pas à réaliser qu’il s’agissait d’un modèle mathématique très intéressant. Les équations de Lorenz ne font intervenir que trois nombres x, y et z, de sorte que chaque point (x, y, z) de l’espace symbolise un état de l’atmosphère et l’évolution consiste à suivre un champ de vecteurs.
Le but de cet avant-dernier chapitre de Chaos est de montrer qu’il existe une approche positive et constructive face au problème de la dépendance sensible aux conditions initiales. C’est le véritable message de Lorenz (1917-2008) qui, malheureusement, est peu connu du grand public.