Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, le FLN organise sa première action d'envergure nationale. Il avertit très vite que tous ceux qui ne le soutiendront pas seront considérés comme ses ennemis et combattus comme tels. La France, par la voix de François Mitterrand, exprime le même principe. Résultat : la population entière est prise en otage, la violence ne laisse aucune chance à la paix. Certains appelés et engagés qui souhaitaient aider la population démunie par l'action sociale, l'école, la médecine, ne peuvent rien faire contre la logique de guerre. Le 20 août 1955 à midi, le FLN lance une attaque dans tout le Constantinois : les Européens sont massacrés. En représailles, le commandant Paul Aussaresses, officier de renseignement, assume une répression brutale sans aucun état d'âme dans les rues de Philippeville.
Le 1er novembre 1954, quelques centaines de militants déclenchent des attentats. Le FLN est alors ultraminoritaire. Mais la guerre a sa logique : pour s'attaquer au FLN, l'armée doit s'en prendre à la population qu'elle est censée protéger des exactions du FLN. Elle ne sortira pas de cette contradiction : le renseignement, qui conduit à la pratique de la torture, devient le nerf de la guerre. Sur la base d'une trentaine de témoignages, Patrick Rotman décrit le mécanisme qui conduit des hommes ordinaires à basculer dans l'extrême violence et à se transformer en bourreaux.
Deux ans après le début de leur action, les partisans du FLN, environ vingt mille, se déploient sur tout le territoire algérien. L'opinion mondiale, en ces temps de décolonisation, commence à s'intéresser au cas algérien. Certains, en France, ne veulent y voir qu'une manoeuvre communiste diligentée par Nasser, refusant d'imaginer la dimension nationaliste du conflit. En février 1958, le village de Saquiet Sidi Yusuf est bombardé par l'armée française. Le massacre est aussitôt condamné par la communauté internationale. En France, l'opinion publique est divisée. Partout en Europe, des voix s'élèvent pour défendre les revendications du peuple algérien. De Gaulle, devenu président de la République, négocie à sa façon la question algérienne : il organise une grande offensive contre le FLN.