Fin des années 90 : la J-Horror déferle en un tsunami maléfique sur les écrans du monde entier. La peur au cinéma n’est plus d’origine américaine mais bien labellisée made in Japan. Lumières halogènes, pixels numériques, et reflets sur baies vitrées deviennent alors les anxiogènes high tech d’un nouvel au-delà.
Connaissez-vous Hanako-san, la petite fille qui hante les toilettes pour filles des collèges ? Kuchisake, la femme défigurée au sourire taillé au rasoir qui poursuit les enfants avec des ciseaux ? Ou encore Teke-Teke, l’araignée humaine qui vous poursuit dans les tunnels ? Autant de légendes urbaines du Japon qui alimentent un nouvel imaginaire littéraire et cinématographique.
Depuis ses origines, au 19e siècle, le manga est animé par un trait démoniaque. Des récits fantastiques d’enfants monstres et de maisons hantées signés par le maître de l’horreur dessinée Kazuo Umezu, au théâtre gore grand guignol d’Hideshi Hino, le manga prouve qu’il est le medium maléfique le plus populaire du Japon contemporain.
Oiwa, défigurée et poussée au suicide par son époux, un samouraï cruel, est un spectre qui réclame vengeance. Héroïne du théâtre kabuki, elle inspirera aussi des dizaines de films jusqu’à nos jours. Avec ses cheveux défaits, son œil exorbité et son kimono blanc, Oiwa est la mère de tous les fantômes contemporains japonais.
Qui est Sadako, cette ombre pixélisée aux cheveux tombant sur le visage sortant d’un écran de télévision ? Et Kayako, sa sœur cinématographique, dont le couinement lugubre et la démarche d’araignée pétrifie d’effroi ses victimes ? Ce sont les héroïnes malfaisantes des séries Ring et Ju-on qui ont réussi à terroriser des générations de spectateurs à l’approche du nouveau millénaire.
Récits de meurtres sanglants, lugubres estampes de fantômes, théâtre kabuki plein de bruits et de fureur, tels étaient les effrayants délices de l’ère Edo. Le Japon de cette époque est un monde carnavalesque, violent et érotique où l'on peut apercevoir de longues dames blêmes flotter au-dessus d’un marais ou être détroussé dans les bois par les yokaï, ces monstres grotesques.
Cette beauté fatale aux baisers glacés est un esprit des montagnes qui aspire la force vitale des chasseurs égarés. Gare à celui qui ne se montre pas digne de son amour. C’est le versant romantique du Japon spectral, célébrant les amours des humains et des créatures de l’au-delà. Mainte fois adapté au cinéma, et immortalisé par Lafcadio Hearn dans son recueil d’histoires fantastiques Yotsuya Kaidan.
À l’ère Edo, les estampes spectrales étaient très en vogue. L’artiste contemporaine Matsui Fuyuko renoue avec cette tradition de peintures d’horribles fantômes. Cette séduisante nécromancienne s’est prise de passion pour les spectres féminins, ses semblables dont elle reproduit sur toile les traits surnaturels.
La forêt d’Aokigaraha est connue dans le monde entier sous le nom de « forêt des suicidés ». Chaque année, des dizaines de jeunes japonais viennent s’y rendre pour commettre l’irréparable. Mais bien d’autres disparitions sont, elles, inexplicables. Le groupe gothique Necronomidol avoue en tout cas y puiser son inspiration musicale.
Au Japon, la possession rituelle s’exerce aussi dans des domaines artistiques comme la danse. Les danseurs du théâtre convulsif du Butô, deviennent ainsi les réceptacles humains de forces invisibles. Akaji Maro, gourou adulé du Butô, cette « danse des ténèbres », Soumet alors les corps des membres de sa compagnie Dairakudakan aux volontés capricieuses d’entités païennes.